CHANSON DE MORT
Monpère, où donc vas-tu? —Je vais
Demanderune arme et mebattre !
—Non, père! Autrefois, tu servais :
A notre tour les tempsmauvais!
Noussommestrois. —Nous serons quatre!
—Le jeune est mort : voici sa croix.
Retourne au logis, pauvre père!
La nuit vient, les matins sont froids.
Nousle vengerons, je l'espère!
Noussommesdeux. —Nousserons trois!
—Père, le sort nous est funeste,
Et ces combatssont hasardeux :
Un autre est mort. Mais, je l'atteste,
Tous serons vengés : car je reste!
Il suffît d'un. —Nousserons deux!
Mestrois fils sont là, sous la terre,
Sans avoir eu même un linceul.
A toi ce sacrifice austère,
Patrie! Et moi, vieuxvolontaire,
Pour les venger,je serai seul!
Janvier 1811
Eugène Manuel