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NOCTURNE OÙ L'ON ENTEND RIEN

Au milieu d'un silence désert comme la rue avant le crime
sans même respirer pour que rien ne trouble ma mort
dans cette solitude sans murs
en même temps qu'ont fuit les angles
dans la tombe du lit je laisse ma statue exsangue
pour sortir dans un moment si lent
dans une interminable descente
sans bras pour les tendre
sans doigts pour saisir l'échelle qui tombe d'un piano invisible
sans rien d'autre qu'un regard et une voix
qui n'ont pas souvenir d'être sortis de lèvres et d'yeux
Que sont des lèvres? Et des regards qui sont lèvres?
et ma voix n'est plus mienne
dans l'eau qui ne me mouille pas
dans l'air de verre
dans le feu livide qui coupe comme le cri
Et dans le jeu d'angoisse d'un miroir face à l'autre
tombe ma voix
et ma voix qui s'enfle âme
et ma voix qui sang flamme
et ma voix qui sent flamme
et ma voix qui s'enflamme
comme le gel de verre
comme le cri du gel
là dans l'escargot de l'oreille
la pulsation d'une mer où le sang fonce
où l'on s'enfonce
car j'ai laissé pieds et bras sur la rive
je sens tomber de moi le filet de mes nerfs
mais tout s'enfuit tel le poisson qui se rend compte
et compte jusqu'à cent dans le pouls de mes tempes
télégraphie muette à quoi nul ne répond
car le rêve et la mort n'ont plus rien à se dire.

autógrafo

Xavier Villaurrutia
Traduction Française par Jacques Ancet


«Nostalgia de la muerte» (1938)
Nocturnos


inglés Translated by Eliot Weinberger
italiano Traduzione di Carlo Coccioli e Tullio Ristori
Version originale Original version

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