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LE LION

Comme elle était chrétienne et n’avait pas voulu,
Pour de vains dieux d’argile ou de bois vermoulu,
Allumer de l’encens ni célébrer des fêtes,
Le préteur ordonna de la livrer aux bêtes;
Et comme elle était jeune et vierge, et rougissait
Quand l’œil d’un juge impur sur elle se fixait,
Une clause formelle en l’édit contenue
Précisa qu’au supplice on la livrerait nue.
Nue, et le sein voilé de ses chastes cheveux,
Elle entra dans le cirque.
En quatre bonds nerveux
Un lion, famélique et rugissant de joie,
Jaillit de la carcère et vint flairer la proie.
Le peuple regardait, étrangement jaloux,
Palpiter ce corps blanc près de ce mufle roux,
Et montrait, allumé d’une affreuse luxure,

Des rictus de baiser, peut-être de morsure.
Elle, chaste, tirait ses cheveux sur son sein.

Cependant le lion, instinctif assassin,
Entre-bâillait déjà sa gueule carnassière.

«Lion!» dit la chrétienne…
Alors, dans la poussière,
On le vit se coucher, doux et silencieux;
Et, comme elle était nue, il ferma les deux yeux.



Catulle Mendès


«Contes épiques» (1870-1876)

español Traducción de Ismael Enrique Arciniegas

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