CHANSON NOCTURNE
Tes cheveux retiennent le parfum de la nuit
et tes yeux ses lueurs tourmentées.
La saveur de la nuit vibre en ta bouche palpitante.
Mon coeur est crucifié sur une nuit d’ebéne.
La nuit reluit sur ton front hâlé, altier et fragile
et sur tes bras au duvet velouté.
En des plages cachées de ton corps rôde la nuit
parfumée de nard, de vanille et cannelle...
La nuit s irise en tes yeux bruns:
bouillonnantes et vivaces constellations.
La nuit demeure en tes yeux bruns, quand tu les fermes:
nuit définitive, augurale et magique.
Dans tes oreilles toute la musique de la nuit
se réfugie et te berce en son vague murmure...
Dans tes oreilles, toute la musique de la nuit,
et dans ta voix, ton rire et tes muets sanglots...
Sur ton front son angoisse cachée erre en somnambule
et dans ton coeur anioureux ses lueurs tourmentées.
Dans la nuit ensorcelée, sorcier, je vagabonde...
La saveur de la nuit vibre en ta bouche palpitante.
Tes mains, deux lunes pâles sur mon front.
Je suis cloué en toi, Ô nuit délicieuse!
Ô Nuit...! bois tiède de ma croix!
Netupiromba. Agosto 8, 1931
León de Greiff
Traduit par André van Wassenhove
Biblioteca Virtual Luis Ángel Arango: http://www.lablaa.org/blaavirtual/literatura/antolo/antol38.htm