NE PERDONS PAS DE TEMPS
Si la mer est infinie et elle a des filets,
si sa musique sort de la vague,
si l'aube est rouge et le crépuscule vert,
si la jungle est luxure et la lune caresse,
si la rose s'ouvre et parfume la maison,
si la fillette rit et parfume la vie,
si l'amour va et me baise et me laisse tremblante....
Quelle importance a tout cela,
tant qu'il y aura dans mon quartier une table sans pattes,
un enfant sans souliers ou un comptable qui tousse,
un banquet de déchets,
un concert de chiens,
un opéra de gale?
Il faut nous en soucier et guérir les semences,
panser les cœurs et écrire le poème
qui nous contamine tous.
Et créer cette phrase qui embrasse le monde entier;
nous les poètes nous devrions arracher les épées,
inventer plus de couleurs et écrire des Notre Père.
Laisser les rires à l'entrée du tunnel
et ne pas dire l’inutil, mais chanter en chœur;
ne pas chanter la lune, ni la fiancée,
ne pas écrire des dizains, ni fabriquer des sonnets.
Nous devons, car nous savons, hurler au le puissant,
crier ce que je dis, car il y en a assez qui vivent
sous les fer-blancs et mal vêtus et hurlant
et des mères qui ne peignent pas leurs enfants tous les jours
et des pères qui se lèvent tôt et qui ne vont pas
au théâtre.
Orner l'humble d'un de nos vers sur l'épaule;
chanter pour celui qui ne chante pas et l'aider est bien.
Assiéger les usuriers et avec une patience infinie, les
convaincre sans dégoût.
Battre le grain dans les champs, descendre dans une mine;
être plongeur une semaine, visiter les asiles,
les prisons, les ruines; jouer avec les enfants,
danser dans les léproseries.
Poètes, ne perdons pas de temps, travaillons,
car peu de sang arrive au cœur.
Gloria Fuertes
Traduction Française par Belén López Esquinas